Actualités
Un an plus tard, les lauréates du Joint Innovation Challenge poursuivent leur combat contre la violence basée sur le genre
- 25 Janvier 2024
Actualités
NATIONS UNIES, New-York – Mettre un terme à la violence basée sur le genre exige engagement, compassion et, comme l’ont montré les entreprises lauréates du Joint Innovation Challenge 2022, ingéniosité et créativité.
En mars 2022, l’UNFPA, l’agence des Nations Unies chargée de la santé sexuelle et reproductive, en partenariat avec l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, l’Union internationale des télécommunications et le Centre du commerce international, a lancé le défi Innovations pour l’autonomisation des femmes et des filles. L’initiative soutient les entreprises sociales dirigées ou codirigées par des femmes et offrant des solutions créatives dans les domaines de la santé maternelle, de la santé sexuelle et reproductive, et de la lutte contre la violence basée sur le genre. Au total, 300 participations provenant de 61 pays ont été enregistrées, parmi lesquelles 10 entreprises lauréates ont été choisies pour recevoir un financement et bénéficier d’un mentorat technique.
Un an plus tard, trois de ces organisations, dont les projets visent à lutter contre la violence basée sur le genre dans leurs communautés, déclaraient à l’UNFPA être plus dévouées que jamais à la cause.
KizBasina/MecRa, Türkiye
Exploitant la puissance de la nouvelle technologie, KizBasina/MecRa a développé une expérience de réalité augmentée simulant des situations dangereuses auxquelles les femmes sont confrontées dans la vie réelle. Le projet Empathy Immersive AR vise à améliorer la compréhension de ce que vivent les femmes et les filles en déclenchant les émotions qui les traversent réellement dans divers scénarios quotidiens, comme lorsqu’elles marchent de nuit dans une rue déserte. Une autre expérience de réalité virtuelle, inspirée par l’histoire vraie d’une femme prénommée Sema, reproduit la réalité de la vie des femmes vivant dans des régions reculées de Türkiye et ayant été mariées dans leur adolescence. Bien que de telles scènes soient familières pour les femmes, les émotions qu’elles suscitent peuvent parfois être difficiles à ressentir pour les hommes et les garçons.
« Notre inspiration est née d’un profond sentiment de responsabilité de pallier les lacunes en matière de santé sexuelle et reproductive et des droits qui en découlent en Türkiye », explique Ceren Erol, coordinatrice du projet. « En constatant les disparités quant à la compréhension, à l’accès et à la sensibilisation, nous n’avions d’autres choix que de contribuer à faire changer les choses de façon positive. »
KizBasina/MecRa a produit trois vidéos immersives pour sensibiliser à la violence basée sur le genre, tandis que plusieurs événements en présentiel organisés dans la région de l’Anatolie orientale ont offert au grand public l’opportunité de participer pleinement à l’expérience de réalité virtuelle. À Istanbul, l’un des événements a associé l’expérience à une exposition d’art et a ainsi touché un public plus large pour sensibiliser à la problématique de la violence basée sur le genre.
Au cours de la phase pilote qui a duré 9 mois, plus de 35 000 personnes de tout âge ont participé à l’expérience. Des tests réalisés avant et après le projet ont révélé qu’il avait permis d’accroître de manière significative l’empathie envers les survivantes, particulièrement chez les hommes plus âgés.
Interrogée sur la poursuite de leurs efforts pour traiter de ces enjeux, Ceren n’a pas le moindre doute : « Notre engagement dans la lutte contre la violence basée sur le genre est inébranlable. Il s’agit d’une cause qui exige un dévouement continu, et nous sommes motivées à contribuer à la mise en œuvre d’un changement positif durable. »
Fondation PANIAMOR, Costa Rica
Directrice de programme pour la Fondation Paniamor, une ONG locale dédiée aux droits des jeunes au Costa Rica, Mariam Carpio se consacre à la recherche de moyens permettant d’utiliser la technologie de façon sûre.z
« Internet est l’endroit où les enfants cherchent à se définir, et ils et elles se retrouvent au cœur de l’attention et doivent faire face à une forte pression de la part des autres », déclare-t-elle à l’UNFPA. « Comprendre comment les enfants vivent avec la technologie, reconnaître leur diversité, et écouter ce qu’ils et elles ont à dire sont quelques-uns des enseignements que j’ai tirés de mon travail auprès des jeunes. Développer des projets en pensant qu’ils et elles vivent de la même façon que nous est une erreur. »
Dans cette optique, l’équipe de Paniamor a utilisé les fonds reçus après avoir remporté le défi pour renforcer sa boîte à outils dédiée à la formation en ligne intitulée « Il m’aime un peu, beaucoup, pas du tout » (Me Quiere No Me Quiere). De juin à décembre 2023, la plateforme a aidé 3 000 filles à identifier des signes de maltraitance et de violence basée sur le genre dans les relations et les a conseillées quant à la façon de mettre un terme à la relation si celle-ci s’avérait dangereuse ou pénible. Lorsqu’elle détecte un risque élevé de violence, la plateforme en informe l’utilisatrice avec un signal d’alarme et lui fournit les coordonnées des services de santé locaux avec lesquels prendre contact.
Bien qu’une telle technologie offre de nouvelles opportunités, Mme Carpio a également conscience des risques qu’elles présentent. « Elles sont susceptibles de provoquer des dommages irréversibles aux filles […] en raison de leur genre. Sans une bonne compréhension des dernières plateformes virtuelles, les utilisateur·ice·s sont attiré·e·s par le contenu viral, et la nature anonyme d’internet se transforme en tentation supplémentaire pour les personnes, qui peuvent alors mépriser les limites. »
Pour garantir la sécurité du contenu de la plateforme, celui-ci a été examiné par sept responsables des ministères de l’Éducation publique, de la Santé et de l’Environnement. Les enfants ont également contribué au développement de la boîte à outils : 60 garçons et filles en ont validé son contenu tandis que 30 autres ont participé à des essais pour assurer sa pertinence et son accessibilité.
« Je compte poursuivre mon travail en adoptant une approche axée sur les droits des enfants et sur l’intersectionnalité des genres, ce qui signifie que je dois prendre en compte les risques propres à la diversité du genre des personnes ainsi qu’aux différents contextes de vie des filles et au développement de leurs capacités », précise Mme Carpio. « Pour aider les jeunes et les protéger dans les situations difficiles, nous avons besoin de toutes les preuves et analyses que nous pouvons trouver. »
Safe YOU, Arménie
PDG et fondatrice de l’application Safe YOU, Mariam Torosyan a quant à elle été inspirée par ses études en droit des personnes et en santé publique pour entamer son travail sur la violence basée sur le genre dans sa communauté.
« En travaillant dans ces domaines, j’ai constaté de graves lacunes dans les systèmes d’assistance aux survivantes », explique Mme Torosyan. « Face aux complexités de la violence basée sur le genre, aux stigmates sociétaux et à l’absence d’efforts coordonnés pour s’attaquer à la source du problème, j’ai entrevu l’opportunité de créer un outil capable d’avoir un impact durable. »
Espace virtuel sûr dédié aux femmes, Safe YOU est une application offrant des consultations à distance et des ressources pédagogiques. Elle est également dotée d’une fonctionnalité d’aide d’urgence qui permet aux utilisatrices qui se sentiraient en danger d’enregistrer ou d’écrire un message à une personne désignée de leur famille ou de leur groupe d’ami·e·s, à des prestataires de services professionnels ou à la police.
La sécurité de ses utilisatrices étant sa priorité, la plateforme utilise un système analytique spécifique permettant de collecter des données non identifiables et d’envoyer des rapports anonymes aux responsables gouvernementaux afin d’orienter l’élaboration de politiques. Fin 2022, l’application comptait plus de 25 000 utilisatrices en Arménie, en Géorgie et en Irak. Jusqu’à présent, plus de 14 000 femmes ont signalé des cas de violence basée sur le genre depuis la plateforme et plus de 8 000 ont obtenu de l’aide grâce à son réseau de psychologues, d’avocat·e·s et d’agent·e·s de santé.
Alors que les résultats du projet sont déjà remarquables, Mme Torosyan entend miser sur cette réussite. « En se recoupant, la créativité et la technologie peuvent traiter de questions urgentes de manière novatrice. C’est ce qui m’a encouragée à poursuivre l’amélioration de notre solution innovante et à la rendre plus accessible », déclare-t-elle.