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Pour les filles en situation de handicap intellectuel en Ukraine, les mêmes opportunités que les autres
- 09 Décembre 2021
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KIEV, Ukraine – « Allez tout le monde, on fait un exercice qui s’appelle le papillon. Qui va voler le plus vite ? Agitez vos ailes ! », s’exclame Serhiy, entraîneur de football, à l’adresse d’un groupe de 12 adolescentes.
Ces filles participent à un cours de football dans le cadre du projet « Come on, Let’s Play » pour les filles en situation de handicap intellectuel. Cette initiative ne vise pas seulement à leur permettre de faire du sport, d’apprendre l’esprit d’équipe et de s’amuser ; le but est aussi d’acquérir des compétences sociales, et surtout d’aider les jeunes filles à parler ouvertement de leurs besoins.
Ce projet est mis en place à Kiev, ainsi qu’à Marioupol, Vinnytsia et Kharkiv, grâce à un partenariat avec l’UNFPA, la fondation Shakhtar Social et Special Olympics. En tout, près de 80 filles assistent à ces cours, et représentent une population dont les besoins sont négligés, selon Andriy Pidvarko, directeur général de Special Olympics en Ukraine.
« Les données officielles montrent que les personnes atteintes d’un handicap intellectuel constituent 65 % du total des personnes handicapées. Malgré leur position majoritaire, on ne fait peu voire pas attention à elles », explique-t-il. « Nous avons envie et besoin de faire changer les choses. »
Permettre aux filles de s’exprimer et apprendre à les écouter
Dans le monde entier, les femmes et les filles en situation de handicap sont extrêmement vulnérables aux violations de leurs droits et de leur autonomie corporelle. Elles sont plus susceptibles de subir des violences que leurs homologues masculins, et que les autres filles qui ne sont pas en situation de handicap. Garçons et filles atteint·e·s de handicap ont près de trois fois plus de chances d’être victimes de violences sexuelles, les filles étant encore plus à risque, mais manquent bien souvent d’un accès à une protection adéquate, à une aide juridique, et aux services dont ils ont besoin. Nombreuses sont les sociétés qui ne font même pas l’effort de proposer aux personnes en situation de handicap les informations et les compétences de communication nécessaires pour leur permettre d’exprimer leurs vulnérabilités, leurs besoins, leurs désirs et leurs expériences.
Ces difficultés sont considérables. Les personnes en situation de handicap, et particulièrement de handicap intellectuel, font déjà face à une stigmatisation très fréquente, à du harcèlement et à des vulnérabilités particulières, mais elles voient aussi les services visant à les autonomiser affectés par la pandémie de COVID-19. Les programmes d’éducation et de prise en charge se tiennent désormais en ligne, et les enfants en situation de handicap intellectuel sont souvent laissés de côté.
Pour répondre à ces aspects préoccupants, « Come On, Let’s Play » a lancé un programme de compétences de la vie courante, qui est pour l’instant mis en place au camp « Artek » de Pushcha-Vodytsya. Les membres de l’équipe de football de Kiev ont passé une semaine au début de l’automne à jouer et à faire des exercices visant à renforcer leurs compétences en communication, et notamment à développer leur attention, leur sensibilité, leur mémoire et leurs capacités de réflexion. Les filles apprennent à interagir, à négocier et même à mieux communiquer dans les situations de conflit.
« Polina, tu vas nager ? » demande un adulte à une jeune fille de 11 ans, qui est l’une des participantes.
« Ouais ! » répond-elle avec enthousiasme.
« Et le kayak, qu’est-ce que tu en penses ? »
« Génial ! » répond Polina, très sûre d’elle.
« Ces jeunes filles évoluent chaque jour », explique la psychologue Yevhenia Kurchenko. « Elles ont commencé à se comprendre mutuellement, à répondre à des demandes, à interagir. Habituellement, la plupart d’entre elles ne parlent pas, mais elles ont commencé à répéter certains mots et à s’affirmer. »
Avec les autres psychologues du camp, elle souligne qu’il n’existe presque aucune opportunité de travailler avec des groupes d’enfants en situation de handicap en Ukraine. La thérapie individuelle est généralement privilégiée, et c’est très cher. Mme Kurchenko estime que c’est le travail de groupe qui est à l’origine d’une grande partie des progrès constatés chez ces jeunes filles
L’autonomie comme vecteur de changement
Le programme ne travaille pas uniquement avec des adolescentes en situation de handicap. Ses messages d’inclusivité, de respect et de mise en avant des droits de la personne trouvent un écho auprès d’autres populations.
« L’inclusivité est un sujet complexe et demande un travail systématique », déclare Inna Khmyzova, qui travaille à la fondation Shakhtar Social. Une fois par mois, son organisation propose une formation inclusive, lors de laquelle des enfants non handicapés rejoignent leur cours de football, et apprennent à jouer avec celles qui ne fonctionnent pas comme eux.
Cette initiative a déjà porté ses fruits, se réjouit Tetyana Yaremchuk. Sa fille, atteinte du syndrome de Down, est une participante régulière du programme.
« Les enfants qui ne sont pas en situation de handicap et qui assistent à ces cours inclusifs se montrent plus amicaux que ceux qui n’y assistent pas », explique-t-elle. « La camarade de Masha, qui est pourtant considérée comme méchante, s’est agenouillée pour l’aider à mettre ses chaussures. »
Ces efforts globaux pour rendre les adolescentes en situation de handicap plus autonomes, et pour rendre la société plus inclusive et tolérante, pourrait servir de modèle au sein d’autres institutions.
Ainsi, selon leurs parents, ces enfants ne doivent pas être isolés ou stigmatisés mais vus comme des acteurs d’un changement positif au sein de leur communauté. « Ils sont peut-être venus au monde pour le rendre meilleur », déclare Olena Marchenko, dont la fille Anna fait partie du projet.