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Pour la communauté, par la communauté : les personnes transgenres militent pour la santé sexuelle et reproductive et les droits associés
- 17 Mai 2024
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MONGAR, Bhoutan/GAIBANDHA, Bangladesh – À travers le monde, les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres, queer, intersexes et asexuelles (LGBTQIA+) sont de plus en plus acceptées par leurs communautés et leur pays.
Deux tiers des gouvernements ont dépénalisé les relations homosexuelles, tandis que le mariage pour tous·tes a été autorisé dans une trentaine de pays, marquant une rupture nette avec le passé. En outre, une étude révèle que le nombre de pays ayant abrogé des lois visant à restreindre les droits LGBTQIA+ n’a jamais été aussi élevé qu’en 2022 au cours des 25 dernières années.
Pourtant, la discrimination et la stigmatisation continuent d’entraîner des disparités pour les minorités sexuelles et de genre. Une étude montre que la population LGBTQIA+ souffre de façon disproportionnée de problèmes de santé mentale et peine souvent à accéder à des soins de santé exempts de stigmatisation et adaptés à leurs besoins spécifiques. Pendant ce temps, le harcèlement et les agressions demeurent des menaces pressantes : une étude mondiale portant sur les expériences médicales des personnes transgenres a par exemple révélé que la médiane du taux de prévalence de la violence et de la persécution s’élève à 44 %.
Des membres de la communauté LGBTQIA+ se sont mobilisé·e·s pour pallier les lacunes dans l’accès aux soins de santé et pour mettre un terme aux préjugés, notamment des défenseur·euse·s des droits des personnes transgenres et de genre variant comme Mamouni au Bangladesh et Tshering Tshoki, spécialiste de la sensibilisation au sein de l’organisation Pride Bhutan. Visant à garantir la santé sexuelle et reproductive et les droits associés de toutes les personnes, sa mission est soutenue par l’UNFPA, l’agence des Nations Unies chargée de la santé sexuelle et reproductive.
Orienter les autres vers un soutien au Bangladesh
« J’ai subi le rejet de ma famille, de ma communauté, de toute la société. Je ne pouvais pas aller à l’école », témoigne Mamouni à la directrice exécutive de l’UNFPA, Dr Natalia Kanem, lors de sa rencontre avec la population LGBTQIA+ bangladaise, en mai 2024. « La communauté transgenre m’a ouvert les bras. »
Mamouni vit dans un logement collectif avec 14 autres hijras, terme utilisé au Bangladesh pour désigner les personnes transgenres et de genre variant, dans le district de Gaibandha, sur les rives du fleuve Brahmapoutre.
Chaque année, les pluies de mousson menacent d’inonder la région, et contraignent parfois les résident·e·s à évacuer. Pour les hijras comme Mamouni, les déplacements s’accompagnent de risques bien particuliers, les minorités sexuelles et de genre étant souvent confrontées à la discrimination, privées d’aide et exclues des refuges au lendemain des désastres.
« Les dernières inondations ont été épouvantables. On avait de l’eau jusqu’à la taille », explique Mamouni à l’UNFPA. « J’ai dû dormir sur une voie ferrée, car je n’avais nulle part où aller et aucun soutien. »
Les urgences climatiques peuvent exacerber les difficultés rencontrées par les communautés déjà marginalisées. En prévision des crues saisonnières de 2020, l’UNFPA a octroyé un soutien financier aux hijras du nord-ouest du Bangladesh et leur a distribué plus de 6 000 kits de dignité pour permettre à la population de se préparer aux intempéries, et de se réinstaller par la suite.
« Les personnes LGBTQIA+ méritent de jouir pleinement de tous leurs droits, au même titre que les autres », déclare la Directrice exécutive de l’UNFPA, Dr Natalia Kanem. « Pourtant, malgré les avancées réalisées dans de nombreuses régions du monde, elles continuent bien souvent de souffrir de graves discriminations et d’une forte stigmatisation. C’est inacceptable.
Lors de conflits et de crises, leurs droits sont susceptibles d’être négligés et leurs besoins spécifiques en matière de protection et de soins de santé peuvent s’en trouver insatisfaits. Ne réellement laisser personne de côté signifie protéger les droits de la population LGBTQIA+ dans tous les contextes et l’inclure totalement dans les efforts de planification, d’intervention, de secours et de relèvement humanitaires. »
Le Bangladesh a officiellement reconnu un troisième genre, celui de la communauté hijra, en 2014. Malgré ces réformes, les hijras continuent de subir de façon dramatique la discrimination, la violence et l’inégalité. Une étude suggère par exemple qu’une écrasante majorité des personnes transgenres souhaitant bénéficier de soins de santé sont victimes de harcèlement.
À Cox’s Bazar, la Bandhu Social Welfare Society vise à garantir l’accès aux services de santé essentiels aux minorités sexuelles et de genre.
Personne transgenre de 47 ans, Purmina a été bénévole au sein du programme soutenu par l’UNFPA en 2022. Sa mission consistait à rechercher les membres de la communauté transgenre du camp de réfugié·e·s de Kutupalong pour leur apporter un soutien psychologique, les orienter vers les secours médicaux, coordonner leurs soins de santé sexuelle et reproductive et leur offrir une assistance juridique.
« Acceptez-vous comme vous êtes, battez-vous pour vos convictions et changez la vie des autres, en dépit des difficultés que vous pouvez rencontrer », déclare Purnima.
Accompagner les autres vers la santé au Bhoutan
« Il a permis la renaissance de Tshering Tshoki. » Voilà comment la défenseuse des droits LGBTQIA+ et spécialiste de la sensibilisation auprès de Pride Bhutan décrit le parcours qui l’a menée à adopter pleinement son identité de genre.
Bien qu’ayant toujours su qu’elle était une femme transgenre, la pression sociale a en partie contraint Mme Tshoki à reporter sa transition. Les discriminations l’ont également poussée vers la sortie de l’école : elle a atteint son point de rupture après que des garçons de sa classe l’ont piégée dans les toilettes pour l’arroser d’eau. Lorsque la direction de l’école a choisi de fermer les yeux, Mme Tshoki s’en est allée.
« L’éducation, c’est la clé qui déverrouille le potentiel, et chaque personne transgenre a le droit d’y avoir accès sans craindre de souffrir de discriminations », affirme Mme Tshoki. « Garantir l’égalité des opportunités éducatives à la population transgenre est essentiel pour bâtir une société plus inclusive et équitable. »
Au Bhoutan, malgré des progrès récents en faveur de l’égalité des personnes LGBTQIA+, notamment la dépénalisation des relations homosexuelles en 2021, les préjugés restent un obstacle de taille à la santé, au bonheur, à l’éducation et aux opportunités des minorités sexuelles et de genre du pays. Une étude récemment menée à petite échelle a révélé que quatre personnes transgenres sondées sur cinq ont été victimes de discrimination, tandis que presque toutes ont estimé que leur identité reste un sujet tabou.
Ce stigma a également touché Mme Tshoki, dont la famille s’était à l’origine opposée à sa transition. Mais le soutien des femmes transgenres de l’étranger l’a aidée à adopter fièrement son identité, et rapidement, sa mère lui a signifié sa propre acceptation en lui offrant des boucles d’oreille en or et un rachu, porté par les femmes au Bhoutan.
« Pour accepter votre enfant LGBT, vous n’avez pas à comprendre son parcours. Vous devez l’aimer de façon inconditionnelle, tel·le qu’il ou elle est », déclare Mme Tshoki à l’UNFPA.
Aujourd’hui, Mme Tshoki fait partie des leaders de la communauté de femmes transgenres du pays. Elle s’emploie à aider ses membres à être en bonne santé. « Je les accompagne pour les visites de contrôle et je surveille qu’ils et elles ne subissent pas de violence, et si c’est le cas je les oriente [vers l’aide appropriée] », explique-t-elle dans une interview pour Queer Voices of Bhutan.
L’UNFPA met des informations à la disposition des personnes LGBTQIA+ bhoutanaises, et les met en relation avec les services de soins sensibles de santé sexuelle et reproductive et les services d’intervention spécialisés dans la violence basée sur le genre. L’agence a également collaboré avec le gouvernement du Bhoutan pour mettre à jour sa politique nationale en matière d’égalité des genres, afin qu’elle couvre les problématiques particulièrement urgentes pour les minorités sexuelles et de genre.
« Je me suis lancée dans ce travail pour faire comprendre aux gens que les femmes transgenres sont des femmes », témoigne Mme Tshoki. « Toutes les protections prévues pour les femmes et les filles doivent également s’appliquer à elles. »