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Les femmes d’Amak : une justice pour les victimes de violence sexiste en zone rurale

Une fillette puise de l’eau dans la rivière Bocay, dans la réserve naturelle Alto Wangki Bocay au Nicaragua
Dans la communauté d’Amak, les femmes et les filles assument la majorité des tâches domestiques. Une fillette puise de l’eau dans la rivière Bocay, dans la réserve naturelle Alto Wangki Bocay au Nicaragua. Crédit photo : UNFPA/Oscar Duarte
  • 21 Octobre 2014

BOSAWAS, Nicaragua – “Il me battait chaque fois qu’il rentrait ivre à la maison ”, raconte Elena Talavera au sujet de son mari, dans la communauté autochtone isolée d’Amak, au Nicaragua.

Amak est niché au cœur de l’Alto Wangki Bocay, la plus grande réserve naturelle d’Amérique centrale. Dans cette communauté, les femmes et les filles assument la majorité des responsabilités familiales, et trop souvent, leur situation d’infériorité ne se limite pas au partage inéquitable des tâches domestiques : de nombreuses femmes sont également victimes de violence sexiste.

Mme Talavera a été l’une des premières femmes de sa communauté à mettre fin au cycle de violence. Bien que le tribunal le plus proche soit à plus d’une journée de voyage, elle a décidé de porter plainte contre son époux.

Mais elle craignait que cette démarche ne suffise pas à garantir sa sécurité.

Élargir la portée de la justice

Pour de nombreuses femmes comme Mme Talavera, la justice et la sécurité semblaient une perspective lointaine. Les autorités avaient souvent beaucoup de mal à traiter les plaintes et à enquêter sur les crimes.

La police d’Amak devait signaler chaque affaire aux autorités de San Andres, à plus d’une heure de bateau. Les dossiers étaient ensuite envoyés à Wiwili, soit 12 à 18 heures de trajet supplémentaires, selon le niveau de l’eau. Les cas les plus graves devaient être renvoyés à Jinotenga, à cinq heures de voiture.

Face à cette situation, les Nations Unies ont lancé en août 2012 un programme visant à autonomiser les femmes et à réduire l’insécurité dans l’Alto Wangki Bocay.

Avec l’aide de la Cour suprême de justice et du Système judiciaire autochtone, le programme a sélectionné et formé 52 juges communautaires, ou “wihtas ”, chargés de la prévention et de la résolution des conflits dans les régions rurales isolées où les systèmes judiciaires étaient en grande partie inaccessibles.

Une fillette décortique le riz dans la réserve naturelle Alto Wangki Bocay au Nicaragua. Crédit photo : UNFPA/Oscar Duarte

Les juges sont notamment formés pour faire connaître et appliquer la loi 779 du Nicaragua, qui sanctionne la violence à l’égard des femmes. Ce texte de loi a été traduit en miskitu et en mayagna, deux langues autochtones parlées dans la région.

L’UNFPA est l’organisme responsable de l’exécution de ce programme, en étroite collaboration avec le Secrétariat au développement de la côte caraïbe et le gouvernement du Nicaragua, ainsi que des organismes partenaires, notamment le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, le Programme des Nations Unies pour le développement et l’Organisation internationale pour les migrations.

Désormais, davantage de femmes vont porter plainte et témoignent de leur expérience afin d’encourager les autres à se faire aider également.

Erlinda Bolaños, victime de violence familiale, a raconté à l’UNFPA les violences qu’elle a subies. “J’ai eu une violente dispute avec mon mari, et il a commencé à me frapper continuellement. Puis il a tenté de m’agresser avec une machette. ”

Ce n’était pas un incident isolé. “Cela arrivait fréquemment ”, explique-t-elle.

Mais avec le nouveau système des wihtas, elle a déposé plainte et son mari a été arrêté.

Le chemin est encore long

Il reste encore beaucoup à faire. Par exemple, créer des espaces sécurisés pour les victimes de violence et leurs familles.

Un juge communautaire dans la communauté d’Amak, dans la réserve naturelle Alto Wangki Bocay au Nicaragua. Crédit photo : UNFPA/Oscar Duarte

Le programme des Nations Unies cherche également à améliorer la production agricole des communautés autochtones, la sécurité alimentaire, l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive, le développement durable et les ressources pour les adolescents et les jeunes.

Toutefois, avec la mise en place de wihtas dans 64 communautés autochtones, ce programme constitue une première étape importante en faveur du développement et des droits de l’homme.

“Les femmes sont désormais plus autonomes parce qu’elles ont des droits, et qu’elles les connaissent bien ”, explique Gregorio Pineda, un juge communautaire d’Amak. “C’est la première étape vers la justice. ”

Selon Mme Bolaños, cette initiative a permis de redonner confiance aux femmes de la communauté. “Maintenant, nous nous sentons en sécurité car on respecte nos droits et plus personne ne peut nous faire du mal, ” témoigne-t-elle.

 

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