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Au Maroc, les survivantes de violences basées sur le genre prennent un nouveau départ
- 09 Avril 2019
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FEZ, Maroc – « J'ai été contrainte de quitter mon foyer avec mon bébé dans les bras », a déclaré Khadija, 42 ans, à l'UNFPA. Lorsqu’elle a finalement décidé de divorcer de son mari après plus de 10 ans de violences conjugales, elle pensait que c’était la fin de son calvaire.
Elle avait tort.
Le divorce a mis fin à sa torture physique, mais puisque son mari ayant refusé de payer une pension alimentaire pour elle et l'enfant, Khadija devrait se battre pour leur survie. Même si sa famille la soutenait, lui donnait un toit pour dormir et suffisamment de nourriture pour son bébé, Khadija se mourrait sous la pression psychologique de la dépendance financière.
Sans éducation ni emploi, elle a vite compris à quel point il serait difficile de vivre sans revenu.
La situation de Khadija n'est pas rare au Maroc. Bien que le pays ait réalisé des progrès significatifs dans la promotion de l'égalité des sexes à l'école primaire, les données nationales montrent que le taux de scolarisation des filles en milieu rural, dans l'enseignement secondaire, dépassait à peine 30% en 2014.
Elle a décidé qu'il était temps pour elle de gagner son propre revenu et a passé deux ans à effectuer des travaux agricoles pénibles, lorsqu'elle a entendu parler à la radio du centre voisin Al-Bathaa, financé par l’UNFPA, pour les victimes de violences basée sur le genre.
Là-bas, Khadija a pris un nouveau départ grâce à des services tels que le conseil et la formation professionnelle. Le centre lui a également permis d'explorer ses talents en affaires et l'a aidée à lancer son propre projet.
Les relations avec les autres survivantes et les conseillers, que Khadija a forgées pendant son séjour au centre, la poussent à s’y rendre fréquemment. Désormais, elle voit l'avenir avec confiance et joie, dit-elle, et rêve d'ouvrir sa propre boutique bientôt.
Ghaliya, 44 ans, est une autre survivante, qui a subi près d'une décennie de violences conjugales avant de s'échapper.
Elle savait qu'elle ferait face à la pauvreté et au fardeau de s'occuper de six enfants, et elle était convaincue que personne ne les protégerait. Des tentatives d'évasion antérieures avaient pris fin du fait qu'elle et ses enfants dormaient dans la rue. Ils finissaient par rentrer chez eux désespérés.
En fin de compte, Ghaliya a quitté son mari sans demander l'aide de la police ou du système judiciaire.
« Bien que j'ai finalement pu raconter ce que j'avais vécu, la peur contrôle beaucoup d'autres femmes qui préfèrent le silence parce qu'elles sont convaincues que si elles parlent, elles ne seront pas protégées », a-t-elle déclaré.
Le calvaire de Ghaliya a eu lieu avant que le Maroc adopte, en février 2018, une nouvelle législation visant à protéger les femmes des abus. Celle-ci prévoit des peines plus sévères pour les auteurs de violences basées sur le genre, y compris le viol, le harcèlement sexuel et les violences domestiques. Les personnes reconnues coupables sont passibles d'une peine de prison s’étendant d'un mois à cinq ans, et d'une amende allant de 200 à 1 000 dollars.
L’UNFPA soutient les efforts du Maroc pour mettre en place des réformes qui protègent au mieux les femmes de la violence basée sur le genre. Cela comprend la prise en charge des victimes, l’aide fournie aux femmes dans le système judiciaire pour dénoncer les abus, et la sensibilisation des jeunes et des hommes.
Entre-temps, les victimes de violence basée sur le genre peuvent toujours bénéficier de services essentiels au centre Al-Bathaa, où Ghaliya affirme avoir trouvé la possibilité de reprendre le contrôle de sa vie.
« Ecouter les récits d'autres survivants de violences m'a permis d'ouvrir les yeux sur la nécessité de travailler, pour faire face à cette violence », a-t-elle déclaré.
Ghaliya a rejoint un groupe de soutien qui fournit assistance et soins aux victimes de violences basées sur le genre, et les encourage à devenir des agents du changement.
Aujourd'hui, Ghaliya insiste pour exiger ses droits – et les défendre.
« Je rêve d'un jour où toutes les femmes ayant survécu à des violences retrouveront leur dignité, vivront en sécurité et seront libérées de la peur et du besoin. »