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Atteindre les femmes dans les zones rurales de Zambie

Une mère et son nouveau-né bénéficient de visites médicales régulières au centre de santé de Kalingalinga. Photo : Georgina Smith
  • 18 Septembre 2012

Les organismes des Nations Unies membres du groupe H4+ soutiennent des pays considérés comme prioritaires en raison des actions concertées que ces derniers mettent en œuvre pour réaliser les objectifs du Millénaire pour le développement dans le domaine de la santé maternelle et infantile. L’UNFPA a identifié la Zambie comme l’un de ces pays. Cet article examine certaines « bonnes pratiques » que le pays a adoptées pour élargir l’accès à la santé reproductive. 

À son retour en Zambie, après des études de médecine à Cuba, Mabvuto Zulu a travaillé pendant trois ans dans un hôpital d’une région rurale isolée, où il était le seul médecin. À force de recevoir 60 à 100 patients par jour, pour la plupart des femmes enceintes, il a décidé de modifier ses plans de carrière et de retourner à Lusaka pour se spécialiser en obstétrique et en gynécologie.

« L’établissement dans lequel je travaillais était l’hôpital référent de 11 centres de santé ruraux, dont certains se trouvaient à 100 ou 200 kilomètres de l’hôpital », se souvient le Dr Zulu. « Aucun de ces centres ne disposait d’un médecin et aucun n’avait la capacité de prendre en charge une grossesse difficile ou de pratiquer une césarienne, comme dans l’hôpital où je travaillais.

C’est pourquoi, lorsqu’une femme dont le travail était compliqué nous était envoyée, il était souvent trop tard, car elle avait perdu beaucoup de sang en chemin à cause du mauvais état des routes. Parfois, on nous appelait d’un téléphone portable et nous envoyions une ambulance mais là encore, à cause de l’état des routes, il était souvent trop tard. »

Le sida est une cause majeure de complications obstétricales et le taux de mortalité maternelle en Zambie, l’un des épicentres de l’épidémie de sida, a atteint le chiffre record de 600 décès pour 100 000 naissances vivantes en 2000, avant la généralisation des traitements contre la maladie. Depuis, le taux a diminué régulièrement pour s’établir à 470 décès pour 100 000 naissances vivantes en 2009.

Il est plus difficile de fournir des soins de santé aux personnes vivant dans les zones rurales

Mais les femmes sont encore trop nombreuses à mourir dans les zones rurales, où le risque de complications est plus élevé et les soins obstétricaux d’urgence moins accessibles. L’une des principales difficultés dans les pays en développement est de trouver le moyen de réduire les disparités en matière d’accès aux soins qui existent souvent entre les femmes vivant dans les régions rurales reculées et celles qui résident dans les centres urbains. Selon plusieurs indicateurs, la Zambie réalise des progrès certains dans ce domaine.

Par exemple, même dans les zones rurales du pays, les femmes enceintes tiennent à recourir aux services médicaux : 94 % des femmes enceintes bénéficient ainsi d’au moins une visite prénatale avec un personnel qualifié (pour la plupart des sages-femmes ayant reçu une formation), contre 78 % des femmes dans l’ensemble de l’Afrique subsaharienne. Le pourcentage des femmes zambiennes qui effectuent davantage de visites prénatales que les quatre visites recommandées s’élève à 60 %, contre seulement 47 % en Afrique subsaharienne.

L’UNFPA a réalisé une étude documentaire pour déterminer quelles sont les approches les plus efficaces. Il ressort de cette étude que la Zambie est un pays œuvrant en faveur d’une plus grande équité en matière de soins de santé maternelle, si l’on en juge par l’analyse de deux indicateurs clés : les soins prénatals et le taux de satisfaction de la demande de contraception.

Identifier les stratégies favorisant une plus grande équité en matière de fourniture de soins de santé maternelle

L’UNFPA a ensuite engagé le cabinet de consultants britannique HLSP afin de recueillir de plus amples informations. Le rapport établi, Some Leading Practices in Equitable Sexual and Reproductive Health Service Provision from Zambia , a été publié en mars 2012. « De l’analyse documentaire jusqu’à la diffusion du rapport final, notre objectif a été de sensibiliser à des pratiques pouvant permettre aux pays d’atteindre un degré élevé d’égalité dans la fourniture de services de santé sexuelle et reproductive (SSR) », explique Howard Friedman, un expert technique de l’UNFPA ayant participé à la gestion du projet. L’expérience de la Zambie s’inscrit dans le cadre d’une base de données de « bonnes pratiques » de l’UNFPA, regroupant des approches identifiées comme étant à la fois innovantes, susceptibles d’être reproduites, génératrices d’impact et pertinentes du point de vue des difficultés importantes du pays.

Trois stratégies principales mises en œuvre par l’État ont été identifiées comme ayant obtenu de bons résultats :

  • mettre en place des mesures pour inciter le personnel de santé à rester dans les zones rurales ;

  • établir des partenariats avec les organisations confessionnelles pour atteindre davantage de bénéficiaires potentiels ;

  • intégrer des services génériques de santé reproductive à la prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant.

Le Programme de rétention des travailleurs de la santé

Le Dr Zulu fait partie des médecins ayant été encouragés à travailler en zone rurale, malgré les difficultés inhérentes, dans le cadre d’un programme de rétention du personnel de santé, qui est l’un des facteurs expliquant les niveaux relativement élevés de santé maternelle dans les zones rurales de Zambie.

Selon le rapport, le Programme de rétention des travailleurs de la santé (HWRS), lancé sous forme de projet pilote en 2003, est l’une des mesures qui ont permis à la Zambie de maintenir des niveaux élevés de soins prénatals dans les zones rurales. Les travailleurs de la santé qui s’engagent contractuellement à exercer pendant trois ans dans un établissement rural reçoivent une prime de pénibilité qui est fonction de l’éloignement de leur établissement d’affectation par rapport à la capitale.

Le Dr Zulu, par exemple, a perçu une prime de 400 dollars US par mois. Le dispositif prévoit également la remise à neuf des logements publics, la prise en charge des frais de scolarité des enfants, un prêt pour l’achat d’un véhicule et la modernisation des structures médicales. Selon le rapport, grâce au programme HWRS, le nombre de médecins exerçant en zone rurale est passé de 15 en 2003 à 88 en 2005, dont 57 ont renouvelé leur contrat de trois ans. Selon le ministère de la Santé, 1 125 travailleurs de la santé participent actuellement au dispositif, dont 170 médecins exerçant en milieu hospitalier comme le Dr Zulu.

Le reste est constitué d’infirmières formatrices, d’agents cliniques, d’infirmières (dont certaines ont bénéficié de bourses d’étude de l’UNFPA) et de techniciens de santé environnementale. Ces derniers sont responsables de la prévention des maladies, au travers notamment de l’amélioration de l’assainissement.

Les ambitions pour 2012 étaient plus élevées avec un objectif de 1 650 travailleurs de la santé enrôlés dans le dispositif. Mais comme l’explique Mutinta Musonda, le directeur adjoint des ressources humaines du ministère de la Santé, « il s’agit d’un objectif mouvant, qui varie en fonction de la disponibilité des financements. » Le dispositif est financé à hauteur de 92 % par le gouvernement zambien. Le reste du budget était couvert à l’origine par les Pays-Bas, avant que l’USAID ne prenne le relais en 2010.

Le rapport souligne que grâce au programme, 92 % des sites médicaux ont fait état d’une extension de leurs services, dont les soins obstétricaux d’urgence. L’une des plus grandes réussites du dispositif réside dans le déploiement d’infirmières formatrices et d’enseignants qui a permis de rouvrir plusieurs centres de formation en province et donc de mieux combler le manque d’infirmières.

Prévenir la transmission du VIH et assurer la survie des mères

La Zambie est confrontée à une épidémie de sida généralisée, marquée par des taux de prévalence du VIH d’environ 14,3 % (contre 15,6 % en 2001) et le fait qu’environ 37 % des décès maternels sont liés à l’infection à VIH. Prévenir l’infection des nouveau-nés et maintenir leurs mères en vie et en bonne santé s’est révélé être une des stratégies les plus efficacespour lutter contre l’épidémie de sida jusqu’à maintenant. Cette stratégie semble donner des résultats en Zambie, l’un des pays où les nouvelles infections à VIH ont diminué de plus de 25 % depuis 2002, selon l’ONUSIDA.

Le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida a désormais pour objectif d’éliminer complètement la transmission du virus de la mère à l’enfant. Les femmes étant souvent particulièrement désireuses de recevoir des soins médicaux pendant leur grossesse, une offre de soins intégrés permet de fournir en une seule fois un éventail de services : informations sur la prévention, test de dépistage, conseils, contraception et traitement.

janet Zulu, infirmière en chef, ausculte une femme enceinte. Photo : Georgina Smith

Le Dr Zulu proposait systématiquement un dépistage du VIH aux femmes et à leurs conjoints lors des visites prénatales. Il estime que 8 à 10 % des personnes testées étaient séropositives. Dans ce cas, il prescrivait des traitements antirétroviraux mais il explique que, compte tenu de l’éloignement de leur domicile, certaines femmes n’étaient pas en mesure de revenir pour renouveler leur traitement et que des nouveau-nés pouvaient être tout de même infectés à la naissance. Le Dr Zulu fournissait également des préservatifs aux couples en leur expliquant pourquoi il était important de s’en servir.

Des services de prévention de la transmission de la mère à l’enfant, comprenant des services de planification familiale volontaire fondée sur les droits, sont désormais disponibles dans l’ensemble des 72 districts de Zambie. On estime qu’en 2008, 12 823 grossesses non désirées parmi des femmes séropositives ont été évitées grâce à la contraception. C’est l’une des raisons pour lesquelles le taux de nouvelles infections diminue en Zambie.

Les prestataires suivent les directives nationales encourageant les soins prénatals, le conseil (y compris les conseils aux couples) et le dépistage, les traitements antirétroviraux prophylactiques, l’implication des hommes, le dépistage et le traitement des infections sexuellement transmissibles, la mobilisation communautaire, la planification familiale volontaire et la diffusion de matériels d’information, d’éducation et de communication.

Le Dr Zulu indique que l’hôpital où il travaillait ne disposait pas de système de suivi de l’observance des traitements. « On met là le doigt sur un problème crucial car la probabilité qu’un nouveau-né soit séropositif dépend étroitement de l’observance par la mère du traitement antirétroviral », explique-t-il. « Il s’agit d’un domaine où nos progrès ont été trop limités. Selon moi, le gouvernement et ses partenaires pourraient s’inspirer de l’expérience de pays comme l’Ouganda qui ont mis en place des systèmes rentables et basés sur des données probantes pour surveiller l’observance des traitements antirétroviraux par les patients. »

Nouer des partenariats avec des organisations confessionnelles

CHAZ fournit des soins prénatals et de PTME

Lors des visites prénatales, les femmes enceintes sont invitées à participer à des entretiens incitatifs au cours desquels on leur explique pourquoi il est dans leur intérêt de faire un dépistage du VIH et quelles sont les interventions dont elles peuvent bénéficier en cas de test positif. À la fin de l’entretien, on leur propose de faire le test en leur laissant la possibilité de refuser. Celles qui refusent de faire le test se voient proposer des conseils individuels et d’autres tests, ou bien des services de consultation conjugale, disponibles dans la plupart des sites. Celles qui réalisent le test reçoivent des traitements antirétroviraux. Les femmes enceintes peuvent également faire un test de dépistage de la syphilis et suivre un traitement avec leur partenaire en cas de test positif.

La troisième approche efficace consiste à développer l’offre de services de santé au travers de partenariats avec des prestataires confessionnels, une stratégie que l'UNFPA soutientdepuis des années. La moitié environ des structures de santé rurales en Zambie, dont l’hôpital où exerce le Dr Zulu, sont gérées par la Churches Health Association of Zambia (CHAZ), une organisation interconfessionnelle représentant des comités médicaux catholiques et protestants. CHAZ gère 144 établissements de santé (hôpitaux, centres de santé et postes de santé) et 11 écoles de formation de base dans le domaine de la santé dans 56 districts (sur un total de 74), répartis dans les neuf provinces de Zambie. L’association soutient actuellement 61 sites fournissant des services de soins prénatals et de prévention de la transmission de la mère à l’enfant (PTME).

Selon CHAZ, le fort taux de participation des femmes aux consultations prénatales s’explique par la sensibilisation à la prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant qu’effectue au niveau communautaire des conseillers non professionnels et des groupes d’action pour une maternité sans risque.

L’organisation complète l’offre publique de soins de santé en mettant à disposition du secteur de la santé des ressources humaines, financières et matérielles supplémentaires (médicaments et fournitures notamment). Elle contribue également à fournir des soins prénatals et des services de planification familiale, en fonction des besoins.

Lorsque les prestataires confessionnels ne peuvent proposer certains services de planification familiale, CHAZ se tourne vers l’équipe de gestion de la santé du district du ministère de la Santé afin de couvrir les besoins. Les Plans stratégiques nationaux de santé et les Plans d’action pour la santé des districts reposent sur la planification et l’allocation des ressources conjointes de CHAZ et du ministère de la Santé. Forte de son expérience en tant qu’entité confessionnelle, CHAZ est un partenaire hautement respecté et influent du secteur de la santé en Zambie et son respect des principes de transparence et de responsabilité a permis de conforter le partenariat à long terme avec le gouvernement.

« L’UNFPA a maintes fois constaté l’efficacité de la collaboration avec les organisations confessionnelles », explique Azza Karam, le conseiller de l’UNFPA pour la culture. « Ces organisations sont généralement en mesure de toucher bien plus de bénéficiaires que les grandes organisations multilatérales et elles bénéficient d’une grande crédibilité et d’un fort capital de confiance auprès de la population. »

La maternité est la principale cause de décès des adolescentes

« La plupart des femmes ont beaucoup d’enfants pour rester mariées car elles veulent ainsi éviter que leurs époux ne les quittent. »

Selon le Dr Zulu, le « point critique » pour son travail d’amélioration de la santé maternelle est que trop de femmes enceintes continuent de faire face à des complications pour lesquelles les soins médicaux appropriés ne sont pas disponibles. L’un des problèmes, d’après lui, est le nombre élevé de grossesses chez les adolescentes : 151 pour 1 000 femmes âgées de 15 à 19 ans. La grossesse et l’accouchement sont la cause principale de décèschez les filles de cet âge dans la plupart des pays à revenus faibles et intermédiaires.

Mais s’y ajoute le nombre moyen de grossesses des femmes en Zambie. En effet, si la taille moyenne des familles diminue comme en témoigne le passage du taux de fertilité de 7,5 en 2007 à 6,3 en 2011, ce taux est supérieur d’environ 25 % dans les zones rurales par rapport aux zones urbaines.

Si l’accès à la contraception peut constituer un obstacle, le Dr Zulu estime également que de nombreux couples ne sont pas ouverts à l’idée de recourir à la planification familiale. « Certaines femmes ont jusqu’à 15 ou 17 grossesses », explique le Dr Zulu, en ajoutant que chaque grossesse augmente le risque global de décès maternel ou de handicap.

Le Dr Zulu pense qu’il faut intensifier les efforts pour informer la population concernant les avantages de la planification familiale. « Il y a des tabous et des mythes, et beaucoup de femmes dans les zones rurales estiment que c’est à dieu de décider combien d’enfants elles doivent avoir », explique-t-il. « Certaines femmes ne veulent absolument pas entendre parler de contraception et leurs époux y sont encore plus opposés. D’ailleurs, ce sont eux qui mettent ces idées dans la tête de leurs épouses. »

Bien que l’étude des progrès de la Zambie en matière de soins de santé reproductive s’appuie sur des résultats de recherche secondaire, elle met en avant une série de pratiques exemplaires et de facteurs favorables que l’UNFPA soutient dans de nombreux contextes. Ces éléments montrent que bien qu’étant un pays à revenu faible avec une forte prévalence du VIH, la Zambie est parvenue à accroître l’équité dans le domaine de l’accès aux soins de santé reproductive grâce à des efforts combinés pour mieux servir les zones rurales, intégrer les services sanitaires et renforcer les activités de proximité ainsi que les partenariats avec les organisations communautaires.

Reportage de Kristin Helmore

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